View of Nice from the Citadel
Vue de Nice depuis la citadelle. Photo: Ermell

Nice à la croisée des chemins entre écologie et développement touristique

À Nice, le désir de nature cogne de plein fouet contre l’attractivité économique qui fait la renommée de la ville. D’un côté, des voix s’élèvent pour verdir la cité, réintroduire des espaces naturels dans un urbanisme étouffé par le béton – un rêve de bouffée d’oxygène face à la mer. De l’autre, le projet d’extension de l’aéroport, porté par la métropole Nice Côte d’Azur, promet d’accueillir encore plus de visiteurs, au prix d’une empreinte écologique accrue, avec bruit et pollution en prime. Comme le rapporte Nice Matin dans un article du 9 février 2025, cette extension vise à doper la capacité touristique, mais elle soulève l’ire des écologistes qui y voient une menace directe pour la biodiversité littorale. Ce tiraillement n’est pas anodin : il incarne le dilemme d’une ville qui veut à la fois briller sur la carte mondiale et préserver ce qui reste de son écrin naturel. Deux initiatives récentes, l’interdiction des grands paquebots de croisière et la création d’une aire marine protégée, cristallisent cette bataille.

Les « immeubles flottants » dans le collimateur

Christian Estrosi, maire de Nice et président de la métropole Nice Côte d’Azur, a dégainé une arme contre ce qu’il appelle les « immeubles flottants ». Selon France Bleu, dans un arrêté signé le vendredi 24 janvier, la maire ambitionne de bannir les navires de croisière de plus de 900 passagers des ports de Nice et Villefranche-sur-Mer d’ici le 1er juillet 2025. Ces mastodontes, qui représentent 70 % de la fréquentation actuelle des croisières dans la région, sont accusés de nourrir un « surtourisme low cost » et de polluer sans vergogne. « On prend cet arrêté pour lutter contre la pollution », martèle Estrosi, cité par France Bleu, pointant du doigt des nuisances que les riverains subissent depuis trop longtemps.

En pratique, l’affaire se corse. Le port de Nice, trop exigu, n’accueille déjà pas ces géants des mers. À Villefranche-sur-Mer, en revanche, ils mouillent en rade, à 300 mètres des côtes, et débarquent leurs milliers de passagers via des navettes – une zone sous juridiction de l’État, hors de portée de la métropole. Malin, Estrosi mise sur un levier : les terminaux de débarquement, contrôlés par la collectivité. « Celui qui organise des croisières n’aura plus intérêt à venir », glisse-t-il, selon France Bleu. Mais les écologistes ne crient pas victoire. Juliette Chesnel-Le Roux, présidente des écologistes niçois, interrogée par la même source, salue un « pied dans la porte » pour forcer l’État à agir, mais déplore un manque de cohérence : « Il faudrait arrêter l’extension de l’aéroport et les méga-yachts au port de Nice. » Pour elle, c’est un coup de com’ bien rodé, surtout à l’approche du sommet de l’Océan que Nice accueillera en juin 2025.

Une aire marine protégée pour ressusciter la baie des Anges

Pendant ce temps, un autre projet voit le jour sous la surface. Comme analysé par Libération dans un article du 28 octobre 2024, Nice planche sur une aire marine protégée (AMP) le long de sa côte, de l’aéroport au cap de Nice – une première pour une grande ville méditerranéenne. L’objectif ? Sanctuariser un écosystème malmené, où les requins-anges, qui ont donné son nom à la baie des Anges, ne se pêchent plus depuis les années 50. « Ils ont probablement disparu », constate Benoît Derijard, chercheur au CNRS et à l’université Côte-d’Azur, cité par Libération. Ses plongées révèlent un tableau contrasté : des poches de biodiversité intactes – corail rouge, mérous, posidonies – côtoient des fonds jonchés de déchets, matelas et vieux vélos inclus.

Lancée en 2020 comme promesse de campagne d’Estrosi, cette AMP est pilotée par Aurore Asso, subdéléguée à l’écologie maritime. Selon Libération, la troisième phase de concertation, débutée le 28 octobre 2024, associe pêcheurs, plagistes et habitants pour dessiner les contours de cette zone protégée, attendue « avant 2026 ». Mais les tensions montent. Boris Camille et Gérard Bentacordi, de l’association niçoise pour la pêche écoresponsable, s’inquiètent : « Notre espace de jeu se restreint », rapportent-ils à Libération, plaidant pour « plus de réglementation plutôt que plus d’interdiction ». À l’inverse, Hélène Granouillac, élue d’opposition écologiste, exige une extension jusqu’à la rade de Villefranche-sur-Mer, où mouillent les paquebots, comme elle le souligne dans le même article.

Un grand écart environnemental

Thierry Bitouzé, membre du collectif Citoyens 06, interrogé dans le même article de Libération, critique quant à lui la politique menée par Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Métropole Nice Côte d’Azur. Il dénonce une « politique de surtourisme débridé » et pointe du doigt les incohérences du maire. « C’est l’incohérence du maire qui pose un vrai problème », explique-t-il. « Il construit le bâtiment pour la conférence sur les océans sur la digue du port, il soutient l’agrandissement de l’aéroport, il planifie une patinoire pour les JO. On ne peut pas d’un côté faire de l’affichage avec l’aire marine protégée, et de l’autre continuer comme dans le monde d’avant. »

Pourtant, des initiatives émergent pour tenter de concilier ces enjeux. Aurore Asso, citée dans Libération, défend une approche scientifique de « planification systématique de la conservation », inspirée de méthodes utilisées pour protéger la barrière de corail en Australie. Elle voit dans l’aire marine protégée (AMP) une opportunité de construire un tourisme balnéaire responsable et « bleu ». Pour elle, cette AMP sera aussi un « outil de gestion » pour mobiliser tous les services de la métropole, de la propreté à l’éducation, en passant par la gestion de l’eau et l’économie. Parmi les projets concrets, un programme d’éradication du plastique jetable et une garantie du traitement des eaux usées.

Mais ces efforts suffiront-ils à protéger l’écosystème niçois, tant marin que terrestre ? Le bannissement des grands navires, souvent pointé du doigt pour leur impact environnemental, vise à alléger la pression touristique et à réduire les rejets polluants. L’AMP, quant à elle, ambitionne de redonner vie à une biodiversité asphyxiée. Pourtant, ces initiatives se heurtent à des contradictions flagrantes, comme le souligne Thierry Bitouzé dans Libération.

Parallèlement, Nice continue de briller comme l’une des villes les plus attractives de France. Selon une enquête du JDD relayée par Nice24, la cité azuréenne est classée première dans la catégorie des villes de plus de 300 000 habitants où il fait bon vivre.

Christian Estrosi, interrogé par Nice24, se félicite de ce classement. « C’est un encouragement à persévérer !, déclare-t-il. Il y a seize ans, quand j’ai été élu maire, j’ai tout de suite voulu anticiper les évolutions sociétales et environnementales qui se profilaient à l’horizon. Je suis rassuré de mesurer que nous avons pris la bonne trajectoire. »

Nice, ville où il fait bon vivre, se trouve donc à la croisée des chemins. Entre surtourisme et préservation de l’environnement, entre ambitions écologiques et réalités économiques, la cité azuréenne doit trouver un équilibre fragile. L’avenir nous dira si elle saura relever ce défi.