« Ce matin encore, on apercevait la Corse, juste là, à l’horizon. » En hiver, il n’est pas rare d’observer l’« Île de Beauté » depuis la Côte d’Azur ou la Riviera Ligure. Avec l’air froid qui descend du nord et un taux d’humidité faible, la Corse offre un spectacle incroyable, surtout à l’aube et au crépuscule.
Lorsque le ciel se pare de couleurs, le contraste avec les montagnes devient encore plus saisissant. En plein jour, cependant, on ne distingue l’Île que si les sommets sont enneigés. Certains parlent d’un effet de réfraction, d’autres évoquent même un mirage, car, selon eux: « l’Île est trop éloignée pour être visible d’ici ».

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’observation de la Corse depuis les côtes du continent n’est ni un mirage ni un effet de réfraction atmosphérique, mais bien une perception réelle d’éléments physiques. Ce phénomène s’explique par la courbure terrestre et l’altitude des montagnes corses.
La distance minimale entre la côte ligure (Bordighera) et la côte corse (Calvi) est d’environ 162 km. Cependant, à cause de la courbure terrestre, un observateur situé au niveau de la mer ne peut pas voir directement la ligne de côte opposée. L’horizon géométrique, cette ligne apparente qui sépare le ciel de la terre, limite notre champ visuel.
Ce que nous voyons en réalité, ce sont les sommets des montagnes corses, qui s’élèvent suffisamment pour dépasser la « courbure » de l’horizon. Imaginez la Terre comme une sphère : si vous vous trouvez au pied d’une colline et que vous tentez d’apercevoir un objet très éloigné, le sommet de la colline obstruera votre vue. De la même manière, la courbure terrestre « cache » la base des montagnes corses, laissant visibles uniquement leurs parties les plus hautes.
Ainsi, l’observation de la Corse constitue une preuve tangible de sa présence physique, et non une illusion d’optique. C’est la combinaison de la distance, de l’altitude des montagnes et de la courbure terrestre qui détermine ce que nous pouvons réellement voir.
Un peu de mathématiques
Depuis les côtes ligures, nous pouvons voir une partie de l’île, c’est-à-dire uniquement les reliefs supérieurs situés entre 900 et 1000 mètres d’altitude. En montant en altitude, nous parvenons à observer également ce qui est masqué par la courbure terrestre, y compris les rivages de l’île. En utilisant la simple formule de la portée géographique (D=2,04 x (√H+√E), où « D » représente la portée, « 2,04 » la constante de courbure, « H » l’altitude en mètres du point d’observation, et « E » l’altitude de l’objet observé), nous pouvons déterminer jusqu’à quelle distance un objet peut être vu à l’horizon. Prenons par exemple l’altitude du Monte Cinto (le point culminant de l’île, à 2706 mètres), situé à 180 km de nos côtes. Il est possible de calculer la distance à laquelle il peut être vu à l’horizon en appliquant la formule suivante : D= 2,04 x (√2706 +√5)= 110,6 miles ou 204 km. (Dans une vidéo, on aperçoit une centrale éolienne située sur les hauteurs de la Corse, dans la région de Centuri, vue depuis Sanremo au sommet du mont Bignone).
Une autre preuve indéniable de cette observation physique se manifeste la nuit. Depuis les hauteurs du Pizzo d’Ormea (2 400 m), niché dans l’arrière-pays d’Imperia à la frontière entre la Ligurie et le Piémont, l’effet de la courbure terrestre s’atténue considérablement. Cela offre une vue panoramique impressionnante, où l’on peut distinguer les lumières scintillantes de la Corse. Ce phénomène prouve que ce que l’on observe est bel et bien la lumière réelle émise par l’île.
Ainsi, la vision de la Corse reste une preuve tangible de sa présence physique, rendue possible par l’altitude, la distance et la courbure terrestre.

Et depuis la Corse, voit-on le continent ?
La vue n’est pas à sens unique. Beaucoup se demandent : « Les Corses peuvent-ils voir le continent ? » La réponse est oui, et la perspective est tout aussi spectaculaire. Depuis le nord de l’île, notamment à partir du Cap Corse (596 m d’altitude), il est possible d’observer non seulement les côtes ligures, depuis le Var jusqu’à la province de Savone, mais aussi plusieurs sommets des Alpes-Maritimes et du Piémont méridional.
Parmi les sommets visibles depuis la Corse, on distingue :
- Alpes-Maritimes : Mont Malinvern (2 939 m), Gélas (3 143 m).
- Piémont méridional : Argentera (3 287 m), Marguareis (2 651 m), Pizzo d’Ormea (2 476 m), Rocca dell’Abisso (2 755 m).
Cette vue panoramique est rendue possible par l’altitude du Cap Corse et sa position stratégique. Sa hauteur, combinée à sa proximité relative du continent, permet de dépasser l’effet de la courbure terrestre, offrant un spectacle qui va des côtes aux sommets alpins.
Cette observation réciproque entre la Corse et le continent est une preuve concrète de leur proximité géographique et de la réalité physique de ce que nous voyons : non une illusion d’optique, mais la présence tangible d’éléments géographiques, déterminée par une subtile interaction entre distance, altitude et courbure terrestre. Ci-dessous, une vue du continent depuis le Cap Corse.

